Déclaration Comité Social d'Administration
"Service d'éducation nationale ou service du tri social ?!"
Madame la Directrice académique
Service d’éducation nationale ou service du tri social !?
Publiés les 17 et 18 mars dernier, le décret et les textes d’application sur le choc des savoirs mettent à mal le collège unique en établissant le tri des élèves comme norme de fonctionnement. Dans la continuité d’Oudéa Castéra, mais avec une légère édulcoration sémantique, la ministre actuelle choisit de parler de « groupes de besoins » plutôt que de « groupes de niveau ». Cela ne trompe personne et acte l’air de rien la fin du collège unique.
Le ministère se gargarise de la création de classes préparatoires en lycée permettant ainsi l’accueil des élèves n'ayant pas obtenu le brevet des collèges. Autant vous dire que les familles les plus démunies seront en difficultés pour financer cette année supplémentaire loin du domicile (un voire deux établissements
par département !?). Ce dispositif vise à restreindre la poursuite de la scolarité de ces élèves après la fin de la scolarité obligatoire. Et in fine, Parcoursup effectuera
un tri supplémentaire. A cela s’ajoute la suppression de la technologie au collège et la réforme de l’apprentissage et celle des lycées professionnels, qui ne sont rien d’autre que des stratégies politiques de tri des élèves selon leur niveau scolaire corrélées à leur origine sociale.
Ces politiques détruisent le sens de notre métier, à savoir la progression de tous les élèves dans une culture commune et émancipatrice pour toutes et tous. Cette mise en place des groupes de niveaux-besoins est une remise en cause brutale du métier et de l’expertise de ceux et celles qui œuvrent au quotidien au service public d’enseignement. Les équipes doivent se concerter et ce sans temps dédié à ce travail ; elles doivent évaluer les besoins sans en connaître les critères ; elles doivent faire progresser les élèves de la même manière tout en étant au plus près des besoins de chaque élève avec l’illusion qu’il sera possible d’avancer à la même vitesse. En résumé, faites l’impossible et de préférence sans moyens !!! Face à cette injonction, la réaction de l’enseignement catholique n’a pas tardé à annoncer son refus d’appliquer les textes. Qu’à cela ne tienne, pour ce gouvernement,lechoixestclair:commed'habitude, pour l'enseignement catholique la liberté d'organisation au service d’un public privilégié, pour l’école publique, l'application de la loi.
Dans le premier degré, ce ne sont pas l’ajout de strates hiérarchiques qui amélioreront les conditions de travail. Après la création d’un statut de direction d’école, la création de référents de direction de circonscription vous permettra d’effectuer une pression supplémentaire auprès des équipes tout en déconnectant les directeurs et directrices du terrain. Ainsi vous pourrez continuer à faire pleuvoir les injonctions pédagogiques au dernier moment : les journées ceci, les semaines cela, les évaluations par-ci, les visios par là. Vous pourrez exiger toujours plus en en donnant toujours moins. Ces 6 postes et demi auraient pu s’ajouter au 10 petits postes de brigade qui seront bien insuffisants pour permettre un service de remplacement efficace. On aurait également apprécié 6 ouvertures d’ULIS qui n’auraient même pas suffit à répondre aux besoins. Plutôt que de rendre 25 postes, il aurait été utile d’en avoir d’autre pour accéder à des moyennes d’élèves par classe acceptables. Les classes dédoublées, allégées, le maximum de 24 élèves
dans le cycle 2 se fait au détriment des autres classes de l’école ou les moyenne dépassent les 25 élèves par classe. Quoi que vous pensiez les expert-es de la pédagogie, c’est nous et il serait grand temps que vous nous laissiez travailler.
Au lieu de cela, votre ministre multiplie les annonces conservatrices tels que les poncifs sur le redoublement, les « fondamentaux », le port de l’uniforme, l’«
autorité », le détournement de la laïcité, le SNU et autres facéties de la même veine, qui sont autant d’éléments de communication visant à flatter la partie de l’opinion la plus réactionnaire sur l’école et les fantasmes éducatifs les plus improbables de l’extrême-droite. Aussi, l’autoritarisme maladif affiché par les successifs ministres à la tête de l’éducation nationale atteste le mépris institutionnel envers la communauté éducative tout en condamnant à assignation sociale un grand nombre d’élèves. Alors que le gouvernement communique sans relâche sur la priorité donnée à l’éducation nationale, ses choix témoignent sans équivoque non pas de son investissement mais de son désengagement.
Déclaration Sud Éducation Calvados, CSA du 26 mars 2024