Durant les mois de juin et juillet se déroule le dialogue stratégique entre composantes et direction centrale en vue de l’élaboration de la politique d’emploi pour l’année 2024. Ces discussions portant sur les moyens humains attribués aux composantes s’appuieront sur les CPOM, nouvel outil du gouvernement par la performance dans l’établissement. Les directions de composantes doivent en effet signer un Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens (CPOM) avec le Président de l’Université, contrat qui «définit les objectifs stratégiques de la composante, en lien avec ceux de l’établissement ainsi que la performance attendue». Conclu pour une durée de quatre ans, ce document, qui s’appuie sur un diagnostic de la composante, définit les obligations de chacune des parties contractantes : la direction s’engage à réaliser les objectifs contenus dans le CPOM quand l’université se limite à accompagner la mise en œuvre du contrat sans plus de précisions. Devant s’inscrire dans le projet d’établissement, les résultats de la composante seront évalués par la Direction de l’Appui au Pilotage et à l’Amélioration Continue (DAPAC) et devront faire l’objet d’un bilan remis à la direction de l’université. À l’image des contrats signés entre l’État et les universités à partir des années 1980-1990, qui visaient à instituer les Présidences comme interlocutrices privilégiées du ministère face à l’autonomie professionnelle des « facultés », les CPOM reproduisent ce processus de « présidentialisation » à l’intérieur des établissements. Discipliner les composantes par l’intériorisation des normes gestionnaires et managériales Esseulées dans ces espaces d’inculcation des contraintes budgétaires et des normes gestionnaires, les directions de composantes doivent batailler à armes inégales pour défendre l’attribution de moyens face aux indicateurs de performance produits par l’administration centrale. Bien que le contrat soit signé par la direction, l’ensemble du collectif de travail sera tenu par les engagements «librement» définis et consentis, d’autant plus que, comme l’y invite la circulaire de la direction en date du 13 avril, les composantes devront avoir mené un débat interne qui doit aboutir à une liste hiérarchisée des postes à reconduire, créer, transformer ou supprimer (!). On assiste ainsi au parachèvement de la logique gestionnaire, amplifiée par la loi LRU, qui vise à internaliser dans les composantes l’objectif de rationalisation économique et en définitive de l’austérité budgétaire. La direction de l’établissement délègue ainsi pour partie aux collectifs de travail les choix politiques de réduction des effectifs (et de précarisation du personnel) et par conséquent d’intensification du travail.Le CPOM renforce par ailleurs la bureaucratisation des services publics, tendance identifiée depuis longtemps maintenant pour les enseignant.es-chercheur.es, où l’on passe plus de temps à justifier l’utilisation du peu de moyens à notre disposition qu’à réaliser les activités pour lesquelles on a été embauché à l’université. En plus de favoriser l’intériorisation des normes gestionnaires et d’accroître la charge de travail administrative, cette contractualisation facilite enfin le classement et la mise en concurrence des composantes qui devront fonctionner comme de petites entreprises sur un marché interne des dotations universitaires.Question toujours en suspens, les équipes pédagogiques, scientifiques et administratives qui ne seront pas considérées comme « performantes » se verront-elles sanctionnées lors de l’élaboration de la politique d’emploi ? Endurer les mutations organisationnelles… ou partir ? Bien que l’actuelle direction se soit engagée à enrayer la réduction des effectifs du personnel, nombre de composantes peinent à faire face à l’accroissement des missions, notamment dans les scolarités très sollicitées, et continuent d’accueillir des agent.es sous diverses formes de précarité, sans qui l’université ne pourrait fonctionner. Cela dit, les services centraux et communs (DAJI, MRSH, SUMMPS, DEVE…) ne sont pas épargnés par les tensions autour de la pénurie d’emploi, des rapports hiérarchiques ou des mutations institutionnelles. En première ligne pendant la pandémie, les agentes du Service Universitaire de Médecine Préventive et de Promotion de la Santé (SUMMPS), notamment les secrétaires médicales, infirmières et psychologues, sont sorties essorées de cette période, ayant eu à absorber une détresse étudiante croissante. Ce service commun va connaître une réorganisation de ses activités avec la création du « pôle de santé » en lieu et place du RU B (suppression qui engorge le RU A, mais c’est un autre sujet...). Ce changement de statut, qui étend les missions à un public non étudiant, aura des implications sur la charge de travail du personnel, ce qui a d’ores et déjà amené certaines agentes à quitter l’université. Et l’actuelle gestion de ce service ne semble pas apaiser les incertitudes des collègues et encore moins participer à la reconnaissance de leur investissement pour la communauté.En dépit de multiples alertes, combien de temps devrons nous encore attendre avant que la santé des agent.es devienne un vrai sujet politique, une priorité des « axes de développement stratégiques » de l’établissement ? S’organiser, se défendre ! SUD Éducation – Solidaires |