![]() |
Dossier L'écriture inclusive |
![]() |
L’écriture inclusive c’est...un moyen de remettre en cause la domination patriarcale qui se manifeste jusque dans le langage.
L’écriture inclusive c’est...une écriture qui n’invisibilise personne et permet de prendre en compte véritablement tout le monde, y compris les personnes non binaires qui ne s’identifient ni comme hommes ni comme femmes.
Pourquoi l’écriture inclusive n’est pas «un péril mortel» mais un grand pas vers l’égalité
Un peu d’histoire...
En France, l’écriture inclusive est née de l’idée que l’on ne voulait plus utiliser le masculin dit générique pour parler indifféremment de toute personne. La réflexion sur l’écriture inclusive a été amorcée par les mouvements féministes, il y a une vingtaine d’années autour de l’idée de neutralité dans l’écriture. C’est un système d’écriture qui a été trouvé pour donner une égale visibilité à toute-s dans la langue écrite, pour que chacun-e ait une égale importance.
Cela s’est fait par bricolage : on a commencé avec des parenthèses, mais très vite les parenthèses (ponctuation très utilisée en français) ont posé problème aux féministes car en général, ce que l’on met entre parenthèses dans un énoncé, c’est ce qui est le moins important. Comme il s’agissait de ne pas mettre le féminin entre parenthèses, on est passé aux traits d’union, aux barres obliques, aux points bas, aux points hauts, aux points médians. A l’heure actuelle, il n’y a pas d’unification. On ne sait pas qui est à l’origine de l’écriture inclusive : personne n’a déposé de brevet.
Si cette réflexion a débuté il y a environ 20 ans, l’expression « écriture inclusive » est assez récente et à l’heure actuelle, elle apparaît dans le débat public et est encouragée par le Haut conseil à l’Egalité (HCE) qui a publié en 2015 un guide pratique « pour une communication sans stéréotypes » :
« Une langue qui rend les femmes invisibles est la marque d’une société où elles jouent un rôle second. C’est bien parce que le langage est politique que la langue française a été infléchie délibérément vers le masculin durant plusieurs siècles par les groupes qui s’opposaient à l’égalité des sexes ».
Un éditeur a même sorti un premier manuel scolaire en 2017 utilisant l’écriture inclusive. Cela a créé la polémique dans les milieux institutionnels. Il paraît même que cette graphie pourra être utilisée en 2018 sur certains claviers d’ordinateur.
Ce que l'on entend
Cela aboutit à une langue désunie, disparate, confuse, illisible
On ne rend pas service aux élèves
L’apprentissage de l’écriture et de la lecture sera plus difficile
- On peut très bien dire pour parler de l’ensemble de la population « les Français et les Françaises » mais on emploie généralement « les Français » pour désigner l’ensemble car on pense que ça suffit pour comprendre. Or les formes féminines et masculines existent : ce n’est donc pas forcément la langue qui est discriminante mais c’est la manière dont on l’utilise. Notons que l’expression « les Français et les Françaises » n’est pas satisfaisante en soi, car elle pose une partition binaire qui exclut les personnes intersexes et non-binaires.
- Donc l’écriture inclusive cherche par une graphie plus rapide à faire exister les activités humaines sous une forme qui englobe tout le monde (les « français-es »), sans avoir recours au masculin dit générique. Le masculin n’est pas neutre lorsqu’il s’agit de parler d’êtres humains.
La grammaire inclusive et pourquoi il est dangereux de dire que le masculin l’emporte
La grammaire inclusive, c’est quoi ?
- la féminisation des noms de métiers
- l’accord de proximité
- l’accord en fonction du nombre
Un exemple d’invisibilisation révélateur
Le mot « autrice » a existé avant le XVIIème siècle. A partir du XVIIème, « autrice » a disparu, condamné par des grammairiens masculinistes, l’activité étant sans doute réservée aux hommes !
De façon significative, d’autres mots au féminin n’ont pas été mis au ban : par exemple le mot « actrice » est restée, il semblait normal que des femmes montent sur scène en montrant leurs corps !
Un peu d’histoire
Parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins, quoiqu'ils soient plus proches de leur adjectif. (Liberté de la langue françoise, 1651)
Auparavant les accords se faisaient au gré de chacun-e, comme c’était le cas en latin. C’est au XVIIème siècle que cette règle du « masculin qui l’emporte sur le féminin » s’est imposée car les grammairiens étaient des hommes qui ont érigé le masculin en genre plus noble en se justifiant par des arguments patriarcaux et essentialisants :
«Le masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle» (Beauzée, Grammaire générale... 1767)
On voit bien que la volonté de domination patriarcale se reflète dans la langue. De plus, au cours des siècles, se généralise l’utilisation du masculin à valeur générique comme « Homme » au singulier ou au pluriel pour désigner tous les êtres humains...mais dans les faits, cette règle conduit à invisibiliser le féminin et à placer le masculin au centre de toutes nos projections mentales (« l’homme qui a découvert le feu » est toujours représenté par un Monsieur frottant un silex). De même si un groupe est composé de 99% de femmes et de 1% d’hommes, l’accord se fera au masculin pluriel (« ils »). On note également une absence de féminisation des noms de métiers qui n’existent qu’au masculin et ça y compris dans les manuels scolaires (« un savant », « un humaniste »...).
Et répéter cette formule grammaticale, « le masculin l’emporte sur le féminin » aux enfants à partir de 7 ans induit des représentations mentales qui conduisent à accepter la domination masculine, et une partition binaire des genres. Cette maxime patriarcale, devenue règle grammaticale, doit être mise au ban de l'école.
Ce que l'on entend encore aujourd'hui
Vous voyez du sexisme partout
Ce n’est pas avec des règles de grammaire qu’on va lutter pour l’égalité femmes/hommes
« On ne doit pas instrumentaliser la langue au nom d’une cause » (Blanquer)
On le voit , par la langue et la grammaire, le féminin est mis dans une position subalterne. Un sexisme jamais modéré est véhiculé par le langage dans notre société et à l’école. C’est pourquoi il nous appartient, à nous, personnels d’éducation, de jouer un rôle de premier plan. Agissons maintenant !
L’école est un lieu privilégié pour réfléchir à ces changements de norme mais il faut laisser du temps aux personnels d’éducation pour les assimiler. Des professeur-es ont déjà signé des pétitions en faveur de la grammaire inclusive. Eliane Viennot , professeure émérite de littérature française à l’Université Jean-monnet à Saint Etienne a même écrit un manifeste « Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin » dans le but de sensibiliser les personnels d’éducation et de les aider à résister face à leur hiérarchie ou face aux parent-es d’élèves qui protesteraient.
La preuve que la démasculinisation de la langue est importante : notre ministre multiplie les interventions dans les médias pour répéter que l’école ne doit pas changer la norme telle que les programmes la prônent.
Expérience vécue
« Avec mes lycéen-ne-s, j’ai changé ma manière d’écrire au tableau, j’ai utilisé l’écriture et la grammaire inclusives, sans rien dire, et la première fois, j’ai eu l’impression de commettre un acte transgressif. Mais cela a suscité des questions, le débat ensuite. Tou-te-s mes élèves trouvent maintenant les règles actuelles scandaleuses et perçoivent mieux leur portée idéologique »
Comment sensibiliser et/ou pratiquer la grammaire inclusive en classe et en dehors
- employer des termes dont la forme ne varie pas : les personnes, les élèves...
- employer l’écriture inclusive (avec tiret, point médian ou autre : les enseignant-es)
- accorder avec le terme le plus proche : les bols et les tasses sont belles
- accorder en fonction du nombre : les footballeuses et leur entraîneur sont contentes...
De la nécessité de voir le langage comme une manifestation sexiste parmi d’autres
Nous devons nous emparer de cette polémique pour affirmer à nouveau qu’il est nécessaire de voir le sexisme comme un système. La langue est une manifestation parmi d’autres du sexisme. Différence de salaire, inégale répartition des tâches ménagères, publicités sexistes, discrimination à l’emploi, harcèlement de rue, agressions sexuelles, harcèlement sexuel sur le lieu de travail, violences conjugales, injonctions vestimentaires, viols et langage sexiste font partie d’un même système. Il ne faut pas minimiser le combat de la langue et il faut attaquer le sexisme sous plusieurs angles. Ainsi l’écriture et la grammaire inclusives remettent aussi en question la position inégalitaire des femmes dans la société. L’écriture inclusive permet aussi, par des formes écrites qui englobent en une seule formule masculin et féminin, de sortir d’une langue binaire soit masculine soit féminine, et inclure par là toutes les personnes qui ne se reconnaissent pas dans cette partition binaire.
Il est nécessaire de chercher un langage non sexiste pour tenter de réduire les inégalités ou violences faites aux femmes, et à tout-e-s les personnes qui ne se reconnaissent pas dans la partition binaire des genres. C’est au sein de l’école que beaucoup de choses se jouent, c’est par l’éducation des plus jeunes que le système sexiste pourra être modifié. C’est une lutte idéologique qu’il faut mener, et le langage est aussi un enjeu de cette lutte.
« C’est parce que nous progressons vers l’égalité que l’ancienne manière de s’exprimer tout au masculin devient insupportable » Eliane Viennot