Nos conditions de travail se dégradent mais des outils existent pour alerter et se protéger !

Nous connaissons tou·tes au quotidien, dans nos bureaux, nos ateliers, nos salles de cours ou de lecture, à la bibliothèque, ces situations qui nous empêchent de (bien) faire le travail pour lequel nous avons été recruté·es et pour lequel nous sommes (mal) rémunéré·es. De façon insidieuse ou plus brutale, au gré des réformes et des mutations sociales, les métiers à l’Université se modifient, rendant souvent difficile le travail auprès des étudiant·es comme des collègues, et questionnant parfois les motivations qui nous ont fait embrasser notre profession et le service public. Que l’on soit agent·es BIATSS, enseignant·es ou chercheur·es, titulaires ou non, nous sommes tou·tes touché·es à un moment ou à un autre par ces transformations, vis-à-vis desquelles nous avons l’impression de ne pouvoir agir.

Dans le contexte d'austérité budgétaire frappant tous les services publics et face aux mutations institutionnelles de l'ESR, amplifiée par la loi de 2007 sur les Libertés et Responsabilités des Universités (LRU), les établissements doivent gérer à l’échelle locale la pénurie imposée par l’État central.
Cette orientation politique se traduit localement par des restructurations internes et externes, la baisse des dotations budgétaires des composantes, la réduction des effectifs du personnel, le recours croissant aux contractuel.es et aux vacataires et l’intensification du travail de chacun.e.
Afin de maintenir un semblant d’activité cohérente et de discipliner les agent.es ainsi que les collectifs de travail, les directions des universités ont eu recours à un ensemble de techniques de gestion et de management, souvent accompagné de nouvelles applications numériques et d’un jargon technique incompréhensible pour le commun des mortels. Ces principes organisationnels
censés permettre aux agent.es de « faire plus avec moins » sont érigés en politique d’État et imposés à toutes les administrations publiques depuis la Loi Organique relative aux Lois de Finance (LOLF) de 2001 et la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) en 2007.
Ces techniques de gestion et de management sont maintenant bien connues : réorganisation sans fin des services ; polyvalence et mobilité professionnelle et géographique forcées ; alignement de l’activité sur des objectifs de performance chiffrés ; évaluation-sanction individuelle comme collective, etc. Contrairement au discours institutionnel, glorifiant l’autonomie, la participation et la responsabilisation, ces changements sont imposés d’en haut, sans discussion, et doivent être appliqués aussitôt, sans attendre… ni comprendre !
En plus de nos conditions matérielles dégradées (chauffage limité et différé, matériel défectueux non remplacé, salles de cours et de lecture surchargées, etc.) et de la perte de sens dans nos métiers, l’ambiance au travail se détériore imperceptiblement jusqu’à ce que l’atmosphère délétère résultant des mutations organisationnelles ne devienne plus vivable. Face aux injonctions contradictoires de la hiérarchie, face à la pression des petit.es chef.fes, face au changement de poste ou de composante sans formation, face à la concurrence et à la suspicion entre collègues, certain.es entrent dans des stratégies opportunistes, d’autres se mettent en retrait, d’autres encore explosent ou endurent la souffrance au travail.
Pour les « bon.nes petit.es soldat.es », adeptes de la flagornerie, leur travail est valorisé et récompensé (primes et avancement), pour les « fortes têtes », récalcitrantes au changement, ce sont les brimades et la « placardisation » qui guettent. La pire des solutions étant de retourner la violence de l’organisation du travail contre soi, en se sentant responsable, en culpabilisant de ne pas atteindre des objectifs… inatteignables !
En dépit d’indicateurs officiels peu adaptés à la mesure des risques psychosociaux, situation ayant motivé la création d’un Observatoire des Conditions de Travail à l’Université de Caen Normandie, des outils existent pour nous défendre individuellement et collectivement face à une organisation du travail pathogène (outils détaillés dans la brochure téléchargeable à partir du lien ci-dessous) : visite médicale, Registre Santé et Sécurité au Travail (RSST), Registre de danger grave et imminent, Droit d’alerte et Droit de retrait, Formation Spécialisée en matière de Santé, de Sécurité et de Conditions de Travail (F3SCT). Le RSST et la F3SCT sont particulièrement importants et constituent des moyens de lutte pour l’amélioration de nos conditions de travail. Le Registre Santé et Sécurité au Travail est à disposition du personnel (et des usager.es) et doit être facilement accessible à tout.es dans les services et les composantes (une version dématérialisée est dorénavant disponible sur l’intranet de l’Université de Caen Normandie). Toutes les difficultés rencontrées dans le travail peuvent y être consignées, qu’il s’agisse de problèmes matériels ou organisationnels, d’atteintes à la santé physique ou mentale. Il doit être visé par l’assistant.e de prévention et transmis à la F3SCT
afin de trouver une solution aux difficultés soulevées par le personnel. Dans tous les cas, ce registre, infalsifiable, est une preuve juridique des problèmes constatés. Le.la chef.fe d’établissement, mais aussi les directeurs.rices de service et de composante, sont responsables de la santé, de la sécurité et des conditions de travail des personnels qui leur sont confiés.
La Formation Spécialisée en matière de Santé, de Sécurité et de Conditions de Travail (F3SCT) est une instance chargée de contribuer à la protection de la santé physique et mentale des agent.es. Les représentant.es du personnel, désigné.es par les organisations syndicales en fonction de leur représentativité en Comité Social d’Administration (CSA), y ont seul le droit de vote. Se tenant au moins une fois par an, cette instance doit notamment être consultée préalablement à tout projet visant à changer l’organisation du travail ou à introduire de nouvelles technologies susceptibles d’avoir des conséquences sur la sécurité et la santé des agent.es. La mission de prévention menée par les représentant.es du personnel peut s’effectuer par l’intermédiaire de visites
dans les services ou les composantes et d’enquête à la suite d’accident de travail ou de maladie professionnelle. Le F3SCT peut recourir à une expertise externe certifiée en cas de risque professionnel grave ou de projet important modifiant les conditions de travail des agent.es. Les avis émis par les représentant.es du personnel, comme les procès-verbaux des séances, sont autant de preuves pouvant être opposées à l’employeur.euse en cas d’action juridique. Tout.e agent.e arrêté.e par son.sa médecin traitant.e pour un motif lié au travail peut demander la reconnaissance de son arrêt comme accident de travail (contractuel.les) ou de service (fonctionnaires) afin d'officialiser cette causalité. Pour cela, l’agent.e doit en faire la demande à son.sa médecin qui utilisera le formulaire dédié (bleu au lieu de marron), l’adresser sous 48h à la DRH comme pour tout arrêt, puis remplir sous quinze jours le formulaire de déclaration disponible sur l’intranet et l’adresser à la DRH. Depuis 2017, la législation pour les fonctionnaires s’est alignée sur celle en vigueur pour les agent.es contractuel.les, inversant ainsi la charge de la preuve : l’accident est présumé imputable au service dès lors qu’il intervient pendant le temps et sur le lieu du service, ou bien à l’occasion de l’exercice normal des missions (Article L822-18 du Code général de la FP). Il appartient ensuite à l’administration d’établir si un élément permet de détacher l’accident du service (faute ou circonstance particulière). En cas de difficultés rencontrées dans votre composante ou service, ou pour toute précision ou conseil concernant ces démarches, n’hésitez pas à nous contacter. Très sollicité.es ces derniers mois, nous accompagnons des collègues voire des collectifs confrontés à une dégradation de leurs conditions de travail.
Cette généralisation d’un mal être au travail a d’ailleurs motivé une rencontre avec le Président de l’Université de Caen Normandie, vendredi 23 juin 2023. Nous restons particulièrement vigilant.es et mobilisé.es afin que des solutions rapides et pérennes soient trouvées pour enrayer les atteintes à la santé physique et mentale de ces collègues.

Nos conditions de travail se dégradent... résistons collectivement !
Brochure « Connaître ses droits quand on travaille à l’université » :
https://www.sudeducation.org/guides/connaitre-ses-droits-quand-on-travaille-a-luniversite/

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