La démocratie à l'école

Face à un ministre de l’Éducation nationale autoritaire, il y a urgence à renforcer le syndicalisme pour défendre l’école publique, gratuite, laïque et émancipatrice.
Pour bâtir cette école, développons des pratiques démocratiques dans les classes, entre collègues, dans notre syndicalisme et dans les mobilisations. Ce journal revient sur notre projet de démocratie directe : il interroge les outils qui favorisent le collectif dans la prise de décision et dans leur exécution, sans omettre les instruments nécessaires pour déconstruire les rapports de domination qui s’exercent dans la classe et dans la société en général. Remettre l’intérêt de l’enfant au centre de la pédagogie, favoriser des pédagogies actives, mettre au jour les inégalités pour mieux les combattre, telles sont les réflexions menées au sein de SUD éducation pour plus d’égalité et plus de démocratie. 

Vous trouverez ci-dessous et en pièce jointe la brochure de SUD éducation consacrée à ces questions, ainsi que le tract qui l'accompagne !

La place centrale de l'enfant dans les pédagogies émancipatrices

Des pédagogies où tout s'imbrique.

Le terme "pédagogies émancipatrices" recoupe une multitude de courants pédagogiques, la plupart ayant émergé dans la première moitié du XXe siècle. Des pédagogies critiques incarnées principalement par la figure du brésilien Paulo Freire, aux pédagogies institutionnelles développées dans les mouvements d'éducation populaires, en passant par les travaux d'Élise et Célestin Freinet, on retrouve plusieurs principes communs permettant de les regrouper sous l'expression "pédagogies émancipatrices".

Ces pédagogies envisagent toujours l'apprenant non pas comme un "élève" dans ce que ce terme à de restrictif à l'univers de l'école, mais comme un individu complexe et multiple dont les compétences proviennent et s'expriment au-delà des savoirs dits "académiques". C'est la raison pour laquelle chacun de ces mouvements pédagogiques a pour principe fondamental de mettre l'apprenant au centre, de le rendre acteur de ses apprentissages, décideur des contenus qu'il souhaite travailler, qu'il s'agisse d'un apprenant adulte ou d’un enfant. Toutefois, et à la différence de la direction prise par le travail de Maria Montessori -  que l'on assimile parfois à ces mouvements pédagogiques - les pédagogies émancipatrices comportent une dimension politique et sociale très prégnante : il s'agit également de faire prendre conscience à l'apprenant de sa condition d'être social (et souvent opprimé). Par des processus de conscientisation des inégalités, des enjeux de lutte sociale et des enjeux de pouvoir autour de la maîtrise de savoirs et de connaissances, l'apprenant est accompagné vers sa propre émancipation. L'un des objectifs est de s'affranchir de toute domination et dépendance, tout en développant un sens aigu du collectif, de la responsabilité et du vivre-ensemble. "L'apprenant au centre" ne doit donc pas se lire comme l'expression d'une pédagogie de l'individualisme, mais au contraire comme une démarche de responsabilisation de l'apprenant comme être social.

C'est à travers ce prisme que sont pensées les différentes activités développées par les pédagogies émancipatrices : chaque moment d'apprentissage tend vers une plus grande liberté de l'apprenant, vers une "encapacitation" ainsi que vers un questionnement du monde qui l'entoure. Ces principes habitant chacune des propositions pédagogiques que nous présentons ici, il nous paraît important de rappeler qu'elles s'imbriquent donc dans une interdépendance constante : les activités d'expression libre font écho au questionnement sur la démocratie dans la classe, de même que les démarches d'investigation résonnent dans les activités de présentation orale et sont étroitement liées aux observations faites par les enfants lorsque la classe sort de l'école.

L'enfant, un être de droits

Les pédagogies émancipatrices à travers le mouvement de l’école moderne ont eu un rôle important dans la reconnaissance des droits de l’enfant qui a abouti à la convention des droits de l’enfant adoptée à l’unanimité par l’ONU le 20 novembre 1989. Celle-ci reconnaît le droit de l’enfant à l’ accès à la vie et à l’action citoyennes.

Aujourd’hui, les pédagogies émancipatrices s’évertuent à faire en sorte que les enfants puissent exercer leurs droits, leurs libertés, leur citoyenneté et par l’exercice de ces droits, construisent les compétences qui les feront devenir des citoyen·ne·s émancipé·e·s, qui participent à la démocratie.

Elles considèrent l’école comme un lieu où les enfants apprennent en exerçant leurs libertés, parfois seul·e·s (nul besoin de la permission de l’adulte pour aller chercher un mouchoir, du matériel ou un camarade pour travailler, pour aller aux toilettes même si les déplacements peuvent avoir besoin d’être signalés à l’adulte garant de la sécurité de l’enfant), parfois avec l’adulte, parfois après avoir montré qu’on est capable de respecter les devoirs inhérents à l’exercice d’un droit : c’est le principe des ceintures de comportement de la pédagogie institutionnelle qui permettent à l’enfant de justement construire ce rapport devoirs / droits.

Le droit à s’exprimer librement va s’exercer à travers toutes les pratiques de création et d’expressions libres, rendues possibles par un cadre qui a le souci que chacun et chacune s’exprime, et pas seulement les plus à l’aise qui exercent déjà ce droit dans la sphère familiale ou ailleurs. En conseil, les plus jeunes se font passer un bâton de parole, dans les classes plus âgées, un·e élève responsable note et fait respecter les tours de parole. La priorité est donnée à celui ou celle qui a le moins parlé.

Un autre droit mis en avant dans l'école des pédagogies émancipatrices est celui des enfants à participer aux décisions qui les concernent, droit garanti par l’article 12 de la convention mais qui peine à être appliqué dans nos institutions... Et pourtant, si l’on veut que tou·te·s les enfants soient égaux devant ce droit, n’est-ce pas d'abord à l’école publique en premier qu’il conviendrait de l’exercer ? L’un des piliers de la pédagogie Freinet est justement une réelle participation des enfants aux décisions quant à leur travail et à l’organisation de la classe et de l’école. Cette participation est notamment rendue possible par les conseils coopératifs qui sont des moments d’organisation du travail, de la vie, de la classe et ou de l’école.

Ainsi, le vendredi lors du conseil bilan de la semaine, les président·e·s du conseil décrochent les 3 pochettes "J'ai un problème", "Je propose", "Je félicite" dans lesquels les camarades ont mis des papiers avec leur prénom, signifiant ainsi qu'ils et elles veulent s'exprimer dans l'un de ces moments. Le moment "Je propose" permet aux élèves d'exercer ce droit de participation. Il ne suffit souvent pas car il faut également prévoir des temps où les propositions faites et validées par la classe sont concrétisées. Ces propositions peuvent être simples et à mettre en place directement dans la classe. Par exemple, en début d'année, une élève de CP propose de décorer la classe avec des dessins d'élèves. Après discussion, les élèves décident de mettre une chemise cartonnée à disposition dans laquelle on met les dessins qu'on souhaite afficher en classe. Depuis, à chaque conseil, on ouvre la pochette, et la classe valide ou demande éventuellement de reprendre le dessin en donnant des conseils pour l'améliorer avant affichage. Pour que cette participation soit possible, il faut un « partage du pouvoir », une remise en question de la façon dont l’adulte exerce son autorité sur l’enfant.

Cela renvoie notamment au concept de "part du maître" proposé en pédagogie freinet : l'adulte est bien sûr responsable et garant de la sécurité physique, morale et émotionnelle des enfants dont il a la charge et doit en ce sens instaurer un cadre sécurisant, toutefois, les enseignant·es ne sont pas au-dessus, ni au service de, ils et elles font partie de la communauté scolaire régie par des droits et des devoirs dont les adultes aussi doivent répondre.

Il s’agit souvent de déconstruire l’autorité arbitraire de l’adulte (sous prétexte qu’il saurait ce qui est bon) sur l’enfant et la déconstruction de cette relation d’oppression n’a rien de simple, ni pour les adultes, ni pour les enfants.

Il faut alors parfois du temps pour que les enfants s'emparent de ce droit de participation, surtout lorsque la pratique du conseil n'est pas une habitude d'école, et que les enfants ont intégré qu'ils doivent "écouter les adultes". Mais, en fin d'année, on peut avoir droit à ces conseils pépites dans lesquels l'enseignant·e peut s'effacer presque complètement.

Cette relation d'autorité des adultes sur les enfants remise en question, les adultes n’en restent pas moins la garantie des droits des enfants dont ils et elles ont la responsabilité. La responsabilité de leur faire connaître et de leur donner la possibilité de se défendre, mais aussi une responsabilité directe des libertés fondamentales parmi lesquelles l’accès à des conditions de vie dignes : le droit à un logement décent, le droit à de la nourriture en quantité suffisante, le droit à des soins, etc. Ces mêmes droits qui sont actuellement en recul en France, où de plus en plus d’enfants vivent dans la précarité.

L’ouverture au monde extérieur à l’école des pédagogies émancipatrices, c’est donc aussi être attentif aux conditions de vie des élèves, de leurs familles, ne pas fermer les yeux sous prétexte qu’à l’école les enfants seraient égaux, ne pas cloisonner sa vie professionnelle et sa vie citoyenne et agir collectivement pour que l’état assume ses responsabilités face aux enfants, pour lutter contre les oppressions vécues aussi à l’extérieur de l’école.

Si la place de l'élève est centrale dans les pédagogies émancipatrices, ces dernières cherchent à lui montrer quelle position occuper au sein de la société. En effet, l'élève est aussi une personne sociale, occupant une position sociale au sein d'une structure sociale, c'est-à-dire au sein d'une organisation de la société. Il s'agira donc à la fois de prendre conscience des rapports sociaux (de classe, de genre, de race) mais aussi de les transformer, de chercher à s'en émanciper. Il n'y a pas d'un côté, l’adulte qui va enseigner, et de l'autre l'élève qui va apprendre. En effet, selon les mots de Freire "personne n'éduque autrui, personne ne s'éduque seul, les hommes s'éduquent ensemble par l'intermédiaire du monde". 

L'adulte va chercher à faire conscientiser les rapports sociaux inégalitaires aux élèves, et en le faisant, il va en apprendre lui-même davantage. Pour cela, il faudra enquêter sur son monde tel un sociologue. Toutefois, étudier les rapports sociaux seulement peut être source d'angoisse et démobilisant. Il faut donc également travailler avec les élèves à transformer le monde, individuellement et collectivement. On cherchera à créer ensemble une capacité d'action collective. Par exemple, travailler sur les inégalités de genre ne peut pas s'arrêter à une étude statistique de l'inégale répartition du travail domestique, il faudra réfléchir avec ses élèves à ce qu'il est possible de faire, dans nos classes, nos établissements, nos quartiers, nos villes et ainsi de suite. Pour cela, il est possible de partir d'un questionnement simple aux élèves : que faire pour lutter contre ? Les élèves ne manquent pas de propositions, même si parfois elles sont hésitantes : campagne de sensibilisation, formation du personnel et de leurs camarades, dénonciation du problème à l'éducation nationale...etc.

L'enfant dans le collectif

L'importance des moments de présentations collectives.

Ces pédagogies émancipatrices considérant l'enfant comme un être social qui n'apprend pas seulement à l'école des savoirs mais découvre aussi des savoirs-être et des savoirs-vivre, elles proposent systématiquement des temps collectifs dans l'emploi du temps de la semaine. Ainsi, l'élève peut présenter à l'oral son texte libre, son œuvre d'art, son exposé, son expérience scientifique... et le retour de la classe, sous forme de questions/remarques /suggestions, va à la fois rendre nécessaire et motivant le travail effectué en amont et en même temps susciter de nouvelles interrogations, recherches, de nouveaux travaux et aider à évoluer.

Le collectif est essentiel. Il est présent également dans les classes traditionnelles mais il ne s’agit pas de la même chose. 

Du côté des classes traditionnelles, le collectif a pour but de faire assimiler aux élèves les mêmes règles et les mêmes contenus scolaires.

Du côté des pédagogies émancipatrices, le collectif veut que chaque personne soit reconnue dans sa singularité avec son apport au groupe. Là encore la différence va se faire au niveau de la place occupée par les adultes et donc par celle laissée aux élèves. Pour les pédagogies émancipatrices c’est le collectif qui permet d’apprendre. L' adulte n’apporte pas les connaissances et leur  validation. L’adulte organise et crée un cadre qui permet à l’enfant d'apporter au groupe et d'être reconnu au sein du groupe, de savoir susciter les échanges et l'entraide au sein du groupe. Le collectif prend du recul et réfléchit sur des techniques pour améliorer leurs productions, mais aussi voir qu'il peut y avoir plusieurs façons de faire. Ces moments poussent à l'ouverture aux autres : dès la maternelle, l'enfant va réaliser que le collectif peut l'aider à progresser, et que lui - même - peu importe ses capacités - peut aider et trouver sa place dans le groupe.

Les dictées coopératives : un exemple d'activité qui développe l'entraide entre élèves

La dictée coopérative est facile à mettre en place : on part sur une dictée classique, non préparée. Sauf qu'à un moment donné, les enfants ont la possibilité de demander de l'aide à la classe. De cette manière, on pousse les enfants à se poser des questions sur l'orthographe des mots : par exemple, "est-ce que manger s'écrit [an] ou [en] ?" Les élèves de la classe vont alors essayer d’apporter une aide sans épeler le mot, mais en se référant à un mot que tous savent déjà écrire (travailler par analogie) : "le début de manger, ça s'écrit comme la fin de maman".

Cette activité permet d'enlever le stress de la dictée classique : l'enfant sait qu'il peut compter sur le groupe classe pour l'aider, et qu'il a tout intérêt à vérifier l'orthographe des mots avant de les écrire. Ce qui est au final le but d'une dictée : apprendre à écrire en faisant le moins d'erreurs possibles et avoir le réflexe de vérifier l'orthographe si l'on a un doute. 

Les marchés de connaissances : quand l'enfant-apprenant devient l'enfant-enseignant

Les marchés de connaissances sont des moments où un groupe d'élèves volontaires va organiser des stands pour enseigner aux autres élèves de la classe ou de l'école des choses sur lesquelles ils se considèrent comme experts : on y voit des ateliers scoubidous, pixels arts, origamis, pâte fimo, Minecraft... ou encore des marchés sportifs (hip hop, basket, football, cirque...). 

Lors de cette activité, l’adulte est un régulateur - il peut aussi gérer un stand mais ce sont essentiellement les élèves qui enseignent. L'enfant réalise que lui aussi maîtrise des connaissances qu'il peut partager, et cela lui permet de se mettre à la place de l'adulte et d'appréhender les problèmes (et solutions) qu'il peut rencontrer lors de la transmission des savoirs. Au fur et à mesure des marchés, on met en place des techniques et du matériel pour faciliter cette transmission (préparer la trame de ce qu'on va dire, cibler les compétences travaillées, rédiger un tutoriel écrit, un questionnaire pour voir si tout est bien compris...) ; on fait le point sur les droits et les devoirs des groupes participants et des groupes experts (l'importance de respecter et d'écouter, de préparer son stand correctement).

le conseil de coopération (ou copératif)

1- Le conseil de coop :  qu’est-ce que c’est, d’où ça vient ?

Le conseil de coopération est un dispositif pédagogique qui s’inspire de la pédagogie Freinet et de la pédagogie institutionnelle. C’est une institution autogérée par les élèves : à la fois un lieu de parole, un lieu de réflexion et d’analyse mais aussi un lieu de prises de décisions, il vise à organiser à la fois le travail et la vie de la classe, comme celle de l’établissement.

« Le conseil de coopération : lieu d’apprentissage de la démocratie. C’est sans conteste l’institution de base de la classe, le lieu où les enfants établissent leurs lois, règlent leurs conflits, examinent les propositions concernant les activités et les relations au sein du groupe, mettent au point leur plan de travail, discutent de leurs réalisations. C’est un lieu d’échange, un lieu de parole où se trouvent confrontées paroles du groupe et parole de l’individu. C’est un lieu de conflits où s’expriment la lutte entre les dominant·e·s, les conflits dominant·e·s/dominé·e·s et les conflits entre groupe et individu. » (La pédagogie Freinet au collège et au lycée, publication de l’Icem secteur 2nd degré, 1997)

« Le conseil est une institution centrale de la classe de pédagogie institutionnelle. C’est un moment structuré et solennel où le groupe est confronté à son quotidien et à ses aspirations. Nous réglons des conflits et félicitons des camarades, […] nous votons des projets qui engageront toute la classe dans des apprentissages et de nouvelles organisations du groupe. Tous ces débats et décisions potentielles créent une énorme attente, réamorçant du désir, car il y a là des enjeux importants pour chacun·e. » (Andrès Monteret, Les chemins du collectif, Libertalia 2020).

2- Comment mettre en place un conseil de coopération?  

À chacun·e de s’approprier cette pratique selon les élèves, les classes, les besoins et visées

Comment préparer le premier conseil de coopération? 

  • présenter en quelques mots le conseil de coopération et annoncer aux élèves la date du premier conseil.
  • préparer un questionnaire à faire remplir en amont avec des questions qui font un bilan du travail et de l’atmosphère en classe (voire dans l’établissement), tout en ouvrant vers la possibilité, pour les élèves, de s’emparer des espaces, des programmes, des modalités de travail… et d’en proposer d’autres.

Quelques exemples : que penses-tu du travail en classe ? Ce qui te satisfait le plus ? Ce qui te pose problème ? Les changements que tu souhaiterais ? Qu’est-ce qu’il faudrait ajouter dans la salle, ou retirer ? Sur quoi tu as besoin d’être aidé·e ? Sur quoi tu aimerais travailler ? De quelles manières tu aimes travailler ?

  • à partir de ce questionnaire, la/le prof prépare l’ordre du jour du premier conseil, en rassemblant par thématiques, par exemple. On peut choisir de le détailler ou non. L’ordre du jour des conseils suivants, dans l’idéal, sera préparé par les élèves.

    Ce questionnaire et ce “bilan-ordre du jour” peuvent précéder chaque conseil de coopération. Il existe des pratiques où les bilans sont faits au moyen de boîtes recueillant les idées des élèves, de tableaux où les élèves notent leurs propositions…

    D’autres pratiques vont plus loin dans l’autogestion par les élèves en mettant en place des équipes tournantes pour gérer la constitution de l’ordre du jour.
  • préparer une présentation sommaire des rôles dans le conseil : présidence, secrétariat, gestion du temps, gestion de la parole, ainsi que les règles et le déroulement type du conseil

Les rôles

Pour chaque conseil, les rôles sont distribués.

Président·e : l'élève ouvre et ferme le conseil et fait respecter l'ordre du jour et les règles du conseil. La ou le président·e doit rester neutre, veiller à ce qu'il n'y ait pas de hors-sujet.

Secrétaire : l'élève prend des notes sur les débats et, surtout, consigne les décisions prises.

Maître·sse de la parole : l'élève distribue la parole. Pour cela, elle ou il note le prénom des élèves qui souhaitent prendre la parole (et qui lèvent la main pour être noté·e·s) et distribue la parole dans l'ordre des inscrit·e·s. Mais si un·e élève n'a jamais parlé encore, il est possible de la ou le faire passer en priorité.

Maître·sse du temps : l'élève veille à ce que le temps accordé à chaque point soit respecté.  Elle ou il peut rappeler le temps restant lorsque cela lui semble nécessaire.

Les règles

L'ensemble du groupe doit écouter et respecter la parole de la personne qui s'exprime, élève ou adulte. Chacun·e attend son tour pour pouvoir s'exprimer. Un·e élève est chargé de la distribution de la parole pour cela. Les problèmes à gérer doivent être clairement expliqués par les personnes qui en ont fait part. Une discussion a lieu ensuite pour trouver des solutions et faire des propositions concrètes. S'il n'y a pas de consensus sur une proposition, celle-ci est soumise au vote. À partir du moment où une décision est votée, tout le monde s'engage à la respecter.

Pendant le conseil

On peut imaginer plusieurs dispositions dans la salle pour favoriser la participation :

  • une grand rectangle avec les tables
  • un grand U
  • pas de table, mais des chaises en cercle

L’essentiel est que tou·te·s les élèves se voient et que personne ne soit exclu·e.

Le déroulement s’appuie sur le bilan préparé en amont. On peut ajouter à ce déroulé un temps dédié à chaque point : 

1- Ouverture par la ou le président·e : « je déclare le conseil ouvert » ;

2- Présentation des élèves qui assument les différents rôles du conseil ;

3- Rappel des règles de fonctionnement du conseil : « on ne se moque pas, on est bienveillant et en confiance, on écoute la personne qui parle, on demande la parole ; on ne discute pas en aparté ; les élèves qui gênent trois fois ne pourront plus participer » ;

4- Lecture des décisions du conseil précédent ;

5- Lecture de l'ordre du jour à l'issue de laquelle on demande s'il y a un point à ajouter ;

6- Lecture des points positifs, appréciés dans la période écoulée ;

7- Déroulement des points à discuter et à régler si possible ;

8- Les projets en cours ;

9- Les propositions ;

10- Les responsables et la date du conseil suivant ;

11- Relecture des décisions prises ;

12- Remarques sur l'animation du conseil ;

13- Fermeture du conseil : « je déclare le conseil fermé ».

L’adulte participe au conseil au même titre que les élèves et vote mais sa voix ne compte pas davantage et n’oriente pas le vote. L’adulte conserve un droit de veto si les propositions ne respectent pas les règles de la classe. 

Après le conseil

Les décisions sont conservées dans le cahier des élèves et dans le cahier de la classe, s’il en existe un. Chacun·e veille au respect des décisions car elles servent de points de repère pour la vie de la classe et les questions qui se posent. Au fil des conseils, la mémoire de la classe se construit ainsi : les décisions sont reprises, remises en question ou complétées. Les projets s’affinent, s’ajoutent les uns aux autres.

3- Quelle puissance pédagogique et émancipatrice dans le conseil de coopération ?

Comme pour toutes les pratiques pédagogiques, le risque est de ne faire du conseil de coopération qu’un outil d’organisation technique du temps et du travail, de réduire le conseil à un lieu de planification des éléments proposés par l’enseignant·e seul·e, en oubliant le potentiel de transformation de la classe et de l’école par les élèves, sans en faire un levier d’analyse critique et d’émancipation pour les jeunes.

La puissance pédagogique du conseil de coopération réside dans le fait que les élèves s’emparent de l’espace, des savoirs, du travail, y injectent les notions qui les intéressent, les questionnements (sur l’école, sur le monde) qui les préoccupent, les réalités qui les laissent perplexes ou qui les révoltent. Par cette prise de pouvoir sur ce qu'elles et ils font en classe, leur engagement dans le travail prend du sens et devient authentique. Par le conseil de coopération, les jeunes font l’apprentissage du débat et de l’analyse, réfléchissent aux situations problématiques de la classe et de l’établissement, qu’elles soient interpersonnelles ou organisationnelles, et y construisent des réponses ; elles et ils y apprennent la démocratie et l’autogestion et prennent confiance en leur pouvoir d’agir. L’émancipation ici, se traduit par l’exercice d’un esprit critique face au fonctionnement traditionnel de la classe et de l’école, et par une dynamique de transformation de ce fonctionnement.

Pour les personnels qui impulsent le conseil, cela demande un changement de posture pas toujours facile : ne plus être la personne qui domine, qui décide seul·e du déroulement des cours, des points à aborder, des modalités de travail ; mais également accepter la parole critique des élèves et s’ouvrir à leurs propositions. Cette pratique permet aussi aux personnels de s’émanciper des postures héritées de leurs propres études, descendantes et dominatrices.

Le rôle du conseil des maîtres et maîtresses

SUD éducation revendique l’auto-organisation des équipes enseignantes et cela passe par des pratiques éducatives fondées sur les valeurs de coopération et d’égalité. Nous nous opposons à la compétition chère à l’idéologie capitaliste. Nous sommes pour un fonctionnement anti hiérarchique et collégial des écoles. Pour résister aux tentations caporalistes qui se profilent derrière la reconnaissance statutaire de la fonction directoriale et aux tentatives de division des personnels enseignants : renforçons le fonctionnement démocratique des écoles par la reconnaissance du rôle décisionnel du conseil des maîtres et maîtresses avec des compétences élargies à tous les domaines de l’école.

Le conseil des maîtres et  maîtresses est souverain

Composition :

Dans chaque école, le conseil des maîtres et maîtresses est composé des membres de l’équipe pédagogique suivants :

➔ le directeur ou la directrice d’école (DE) qui en exerce la présidence ;

➔ l’ensemble des maîtres et maîtresses affecté·e·s à l’école ;

➔ les maîtres et maîtresses remplaçant·e·s et en exercice dans l’école au moment des réunions du conseil ;

➔ les maîtres et maîtresses d’école ainsi que leurs remplaçant·e·s en fonction lors de la tenue du conseil ;

➔ les membres du réseau d'aides spécialisées intervenant dans l'école.

1) Présidé par le directeur ou la directrice, il se réunit au moins une fois par trimestre et chaque fois que le ou la président·e le juge utile ou que la moitié de ses membres (les enseignant·e·s) en fait la demande. Son rôle est d’organiser la vie de l’école d’un point de vue pratique (services…) et pédagogique (conseils de cycles…) et peut également donner son avis sur des problèmes ponctuels.

2) Tout membre de l'équipe peut donc demander l'ordre du jour qui doit être connu plusieurs jours avant le conseil et l'amender. Le compte rendu transmis à l'IEN doit être lui aussi connu de toutes et tous, relu et amendé collectivement.

3) Le conseil des maîtres et maîtresses a un fonctionnement démocratique (rappelons que le directeur ou la directrice est un·e collègue sans échelon hiérarchique spécifique). Les textes officiels ne définissent pas les modalités de prise de décision des équipes ; c'est donc à celles-ci de choisir les leurs (unanimité, majorité… )

.4) C'est le conseil des maîtres et maîtresses qui décide collectivement de la structure pédagogique de l'école et par conséquent de l'attribution des classes par niveau et de leur répartition (contrairement « à l'usage », le barème d'ancienneté dans le métier ou l'ancienneté dans l'école ne constituent pas une prérogative pour l'attribution d'un niveau de classe, plutôt qu'un autre ; de plus, même si l'IEN valide les structures pédagogiques des écoles, il /elle ne peut en aucun cas imposer un niveau de classe à un·e enseignant·e ).

Compétences :

Le conseil des maîtres et maîtresses donne son avis sur l'organisation du service qui est ensuite arrêtée par la direction de l'école, conformément aux dispositions du décret n° 89-122 du 24 février 1989 relatif aux directeurs et directrices d'école. Il peut donner des avis sur tous les problèmes concernant la vie de l'école. Il émet une proposition de constitution des groupes d’enseignement de langues vivantes étrangères par compétences et indépendamment des classes ou divisions, à destination du conseil d’école. Au terme de chaque année scolaire, le conseil des maîtres et des maîtresses se prononce sur les conditions dans lesquelles se poursuit la scolarité de chaque élève en recherchant les conditions optimales de continuité des apprentissages, en particulier au sein de chaque cycle. A titre exceptionnel, il peut proposer un redoublement. Cette proposition fait l'objet d'un dialogue préalable avec les représentant·e·s légaux ou légales de l'élève et d'un avis de l'inspecteur ou de l’inspectrice de l'éducation nationale chargé de la circonscription du premier degré. Le conseil des maîtres et maîtresses élabore la partie pédagogique du projet d’école, en assure le suivi et son évaluation. Il se concerte régulièrement au sujet de la progression, des acquis et des besoins des élèves.

Le projet d’école :

Dans chaque école, un projet d'école est élaboré par le conseil des maîtres et maîtresses avec les représentant·e·s de la communauté éducative. Il est adopté, pour une durée comprise entre trois et cinq ans, par le conseil d'école. Il définit les modalités particulières de mise en oeuvre des objectifs et des programmes nationaux ; il précise pour chaque cycle les actions pédagogiques qui y concourent ainsi que les voies et moyens mis·es en oeuvre pour assurer la réussite de toutes et tous les élèves et pour associer les parents ou le-la représentant·e légal·e à cette fin. Il organise la continuité éducative avec les activités proposées aux élèves en dehors du temps scolaire, notamment dans le cadre des dispositifs de réussite éducative.

Fonctionnement :

Les textes officiels ne définissent pas les modalités de prise de décision des équipes au sein du conseil des maîtres et maîtresses ; c’est donc aux équipes de choisir les leurs (unanimité, majorité…). Un relevé des conclusions du conseil est établi par sa présidence, signé par celle-ci et consigné dans un registre spécial conservé à l'école. Une copie en est adressée à l'inspecteur ou l’inspectrice de circonscription.

Le rôle du conseil d'école

1) Le conseil d’école se réunit au moins une fois par trimestre et à la demande du directeur ou de la directrice, du maire ou de la mairesse, ou de la moitié de ses membres.

Six heures ( des 108 heures annualisées du temps de service des enseignant·es du premier degré) sont consacrées à la participation aux conseils d'école obligatoires.

2) Il est composé du directeur ou de la directrice d’école qui le préside, du maire ou de la mairesse, ou de son-sa représentant·e, des maîtresses et des maîtres de l’école et d'un·e membre du RASED (choisi·e par le conseil des maîtres et maîtresses), des représentant·e·s des parents d’élèves élu·e·s (jusqu’à un·e par classe), un·e délégué·e départementale de l’éducation nationale et l’IEN (qui vient rarement).

3) Le conseil d'école :

- vote le règlement intérieur de l’école (amendable sur les points qui ne relèvent ni de la loi ni des décrets) ;

- adopte le projet d’école (pour trois ans) ;

- donne son avis et fait des suggestions sur le fonctionnement et la vie de l’école (restauration scolaire, hygiène, rythmes scolaires...). Chaque membre peut défendre son opinion, le consensus n’étant pas une obligation.

Un relevé de conclusions de chaque conseil et réunion est consigné dans un registre. Une copie du relevé est adressée à l'inspecteur ou inspectrice de la circonscription et, pour ce qui est des réunions du conseil d'école, au maire de la commune.

Rappel: C’est lors du conseil d’école que l’on adopte la présence d’un RSST dans les écoles.

1er degré : toutes et tous collègues, pas de chef-fes

Le cadre réglementaire 

L’enseignant·e chargé· de direction est du point de vue des textes un·e collègue comme un·e autre, sans pouvoir hiérarchique sur les autres enseignant·es, ni sur les AESH. Ses fonctions sont définies par le code de l’éducation, le décret n°89-122 du 24 février 1989 et la circulaire n° 2014-163 du 1-12-2014.

Que disent les textes ?

«  Il répartit les élèves entre les classes et les groupes, après avis du conseil des maîtres. », « Après avis du conseil des maîtres, il arrête le service des instituteurs et professeurs des écoles », « Le directeur d’école assure la coordination nécessaire entre les maîtres et anime l’équipe pédagogique. »

«  Il préside le conseil des maîtres qu’il réunit au moins une fois par trimestre et chaque fois qu’il le juge utile ou que la moitié de ses membres en fait la demande. Il consulte ce conseil sur toutes les questions qui relèvent de sa compétence et sur celles qui sont nécessaires à la bonne coordination de l’équipe pédagogique. Il organise les travaux du conseil et en préside les séances, établit le relevé de conclusions, le transmet à l’inspecteur de l’éducation nationale chargé de la circonscription et en assure le suivi.  »

Le caractère collectif de la prise de décision apparaît clairement dans les textes. Le conseil des maîtres et maîtresses n’est pas la chambre d’enregistrement des décisions d’un·e seul·e, mais bien le lieu où l’équipe, compétente en tout point sur ce qui regarde l’école qu’elle fait fonctionner, réfléchit et décide ensemble de ce qu’elle met en œuvre.

Que pouvons-nous faire dans ce cadre ?

L’équipe, au consensus ou à la majorité, peut formuler son opposition à des organisations ou fonctionnements (structure pédagogique, horaires des récréations, répartitions d’élèves, projets pédagogiques imposés) qui affectent les conditions de travail des personnels, et par là même la qualité de leur mission d’enseignement.

Lorsque la moitié des membres de l’équipe estime nécessaire la tenue d’un conseil des maîtres et maîtresses sur un sujet de son choix, cette réunion doit se tenir que le ou la chargé·e de direction soit d’accord ou pas.

L’équipe peut demander relecture du relevé de conclusions du conseil des maîtres et maîtresses avant envoi à l’inspection, étant donné que ce relevé peut contenir les désaccords qui s’y sont exprimés. En complément du relevé de décisions, qui incombe au ou à la chargé·e de direction, les collègues peuvent désigner un·e secrétaire de séance pour prendre en note un compte-rendu des échanges.

Que se passe-t-il parfois dans les écoles ?

Nos missions et nos obligations de professeur-e-s des écoles sont définies par des textes réglementaires susceptibles d’être précisés par des circulaires. Il arrive que ces textes soient « interprétés » par les IEN dans un sens qui nous est défavorable. Les IEN réunissent les directeurs et directrices, et passent leur petite commande. Les directeurs et directrices reviennent à l’école et nous disent « c’est comme ça, c’est une décision de l’IEN ». Sauf que ce n’est pas aussi simple.

À nous de vérifier les textes, de réfléchir collectivement, et de refuser d’obéir à des ordres hors-texte ou hors-sol !

Plus largement, tout est organisé pour que les directeurs et directrices soient considéré·e·s comme nos chef·fe·s. Par exemple, dans plusieurs circonscriptions, il y a une forte pression pour que toute communication avec l’IEN passe par les directeurs et directrices : autorisations d’absence, demandes de congés formation, intentions de grève, demandes de rendez-vous, projets pédagogiques... alors qu’aucun texte ne nous y oblige. Outre le fait que cela leur rajoute du travail, ce rouage hiérarchique inutile nous prive d’un rapport direct avec nos véritables chef·fe·s et participe à laisser croire que les collègues directeurs et directrices seraient des sortes de sous-chef·fe·s.

Et à SUD, qu’est-ce qu’on en pense ?

Une école est par excellence un lieu où les personnels ont la nécessité de s’organiser collectivement pour que tout fonctionne. Le travail en équipe n’est pas accessoire, il est nécessaire et fondamental.

Nous pensons que le meilleur moyen pour qu’une équipe fonctionne, c’est par la voie démocratique, horizontale. Nous ne voulons pas d’un·e chef·fe à l’école car nous pensons que ce serait une énorme entrave à ce fonctionnement démocratique.

Nous avons besoin de temps pour réfléchir ensemble et organiser l’accueil de tou·te·s les élèves et un enseignement de qualité pour tou·te·s. 

Nous revendiquons :

  • Un travail en équipe renforcé avec des moyens et du temps de décharge attribués aux écoles et non à des individus directeurs ou directrices. Une gestion de la décharge par le conseil des maîtres et maîtresses  permettrait une direction collégiale, collective et/ou avec rotation des tâches.
  • L’augmentation du temps de concertation sans augmentation du temps de travail.
  • Des pratiques pédagogiques coopératives et émancipatrices.
  • Une école égalitaire et émancipatrice.

Créer du collectif en intervenant en conseil d'administration

Les Conseils d’Administration dans les établissements du second degré sont trop souvent relégués à un rang consultatif et se bornent à valider ou non les décisions de l’administration qui s’appliqueront quoi qu’en disent les membres des personnels, des élèves et des parents. Pour autant, il y a un enjeu certain à participer au CA, à y porter les revendications des personnels, à y défendre le service public d’éducation mais aussi à se saisir de cette instance pour impulser un fonctionnement plus démocratique, et éviter les passe-droits. 

Pourquoi se présenter en CA ?

Avoir les informations et les diffuser : sans participation au CA, il est difficile de savoir comment le budget est utilisé, comment les heures allouées à l’établissement sont réparties, comment les contrats sont passés, etc. Et derrière ces informations « locales », ce sont bien les politiques de l’éducation qui se dessinent ! Le CA, faute de mieux, est donc au moins l’instance qui permet d’avoir une vision d’ensemble des choix faits au sein de l’établissement et au-delà par l’administration. Connaître les choix de l’administration, c’est avoir la faculté de les critiquer.

→ Construire du collectif. Le CA ne doit pas être l’apanage d’une équipe réduite de « spécialistes » qui ne rendent de compte à personne. Au contraire, la préparation des CA est l’occasion pour les collègues de se réunir (en Assemblée générale ou en heure d’information syndicale), de débattre de la situation et de définir ensemble des positions collectives et des moyens d’action. Ensemble on est plus fort : le CA et sa préparation peuvent être un pivot de l’action collective !

→ Instaurer le rapport de force. Enfin, le CA est un moment de confrontation avec la hiérarchie. Qui plus est, cette confrontation est publique, devant les parents d’élèves notamment. Les passes d’armes qui s’y déroulent avec les directions d’établissements sont autant d’occasions pour montrer notre détermination et notre capacité à faire respecter les règles. Comme dans toutes les instances, à SUD éducation, on ne (se) laisse pas faire ! 

Pourquoi construire une liste syndicale unitaire ? 

L’union fait la force. Les tensions dans les équipes vont permettre aux directions d’établissement d’opposer les personnels et de faire croire que leurs intérêts divergent. En tant que syndicalistes SUD, nous construisons du collectif et nous replaçons l’intérêt des  élèves et des personnels au cœur des préoccupations. Les baisses de moyens ainsi que la privation des heures nécessaires pour mettre en place un enseignement en groupe ou certaines options vont avoir pour conséquence des tensions dans les équipes. Il est capital de sortir de la mise en concurrence des personnels et des disciplines et de porter avec l’ensemble des personnels la nécessité d’obtenir les heures nécessaires à la réalisation du service public d’éducation. 

Notre message aura plus de force s’il est porté d’une et même voix par les membres des personnels au CA, qu’importe leur statut et leur appartenance syndicale. C’est pourquoi SUD éducation porte des listes unitaires, sans forcément tenir compte de l’appartenance syndicale ou non.  Ces listes unitaires doivent porter la voix du collectif et non leur opinion propre. Dans la profession de foi, ces listes s’engagent à porter les décisions prises en heures d’information syndicale et en assemblée générale des personnels en favorisant la recherche du consensus. Parfois, cela n’est pas possible. Dans ce cas, il faut construire une liste syndicale la plus large possible, de manière à rassembler toutes celles et tous ceux qui se retrouvent dans un projet démocratique.

Quels engagements ?

Au-delà d’engagements qui répondent à des questions locales, quelques grands principes peuvent être mis en avant dans une profession de foi. Il s’agit de promouvoir un fonctionnement démocratique de la liste. Par exemple, il est nécessaire que les points importants de l’ordre du jour soient débattus en amont en heure d’information syndicale, et que les membres du CA votent conformément à ce qui se décide lors de la réunion. De la même manière, les CA feront l’objet d’un compte-rendu diffusé aux personnels afin que les équipes puissent se rendre compte des débats et des positions exprimées au CA et des votes. Cette méthode permet aux personnels de prendre des décisions démocratiquement, et d'expérimenter directement ce qu’est un fonctionnement autogéré. Elle est aussi la garantie que les membres du CA détiennent un mandat impératif, qui porte les revendications et les positions des personnels sans se servir de leur statut pour obtenir des avantages personnels (HSA, IMP, crédits disciplinaires, etc.).

Fonctionnement du CA : ce que l’on peut exiger

Le CA n’est en règle générale pas une instance démocratique dans laquelle on peut faire avancer nos revendications. En revanche, c’est un jalon du rapport de force avec la direction et, à travers elle, avec l’administration. Concrètement : se battre pied à pied pour faire respecter des règles de fonctionnement, énoncer publiquement quelques vérités salutaires à travers des motions, cela permet d’instaurer un climat favorable à la défense des personnels. Par ailleurs, cela permet de faire du lien avec les parents d’élèves, en se réunissant avant le CA ou en demandant une suspension de séance pour discuter des motions, par exemple. Montrer à la direction que l’on ne (se) laisse pas faire, voilà l’un des enjeux de la présence syndicale en CA ! Et pour cela, voici en quelques points ce que l’on peut exiger, ainsi que les articles à opposer à la direction en cas de conflit ou de réticence.

Obligation d’information

La direction a une obligation d’information des membres du CA. L’article R421-25 lui fait obligation de communiquer les documents préparatoires au moins huit jours à l’avance. N’hésitez pas à le rappeler à l’administration, et à faire fixer au moins ce délai dans le règlement intérieur du CA.

Ordre du jour et motions

Le CA n'adopte plus l’ordre du jour, qui est désormais fixé par la présidence. Cela montre bien quel est le mépris dans lequel l’administration tient les personnels comme les usagers et usagères. Néanmoins, les membres du CA peuvent demander qu’un point soit mis à l’ordre du jour : l’administration est tenue d’en “tenir compte”, comme l’indique l’article R421-25 du code de l’éducation.

Les membres du CA peuvent aussi proposer des motions. Ces motions sont un court texte qui exprime la position des personnels, des parents, des élèves. Ce texte doit être joint au PV de la séance et à son compte-rendu transmis à l’administration. L’intérêt d’une motion est qu’elle permet de marquer une position commune.

Obligation de réunir le CA et quorum

Le CA ne peut se réunir valablement que si le quorum est réuni. Lorsque le dialogue est compliqué ou rompu avec l’administration, il peut être utile d’organiser conjointement avec élèves et parents le refus de siéger, afin que la majorité des membres du CA ne soit pas atteinte. La direction doit alors convoquer un nouveau CA entre cinq et huit jours plus tard, sauf urgence.

Lorsqu'il est question de la répartition des moyens, comme sur d’autres questions relatives à l’autonomie des établissements, la commission permanente doit impérativement avoir été réunie. Cette dernière peut exiger la consultation d’un conseil pédagogique, pour obliger l’administration à affronter l’ensemble de la communauté éducative. Ce peut également constituer un levier démocratique pour que l’ensemble des personnels soit informé des choix effectués par l’administration. Attention, la démocratie formelle atteint vite ses limites : si le CA refuse la DHG, lors de sa deuxième présentation la présidence aura de toute façon le dernier mot, et imposera la répartition présentée.

De même, si la moitié des membres du personnel au CA demande la convocation d’un CA extraordinaire, l’administration est obligée de l’organiser sur l’ordre du jour proposé. Menacer de recourir à ce moyen peut conduire l’administration à accepter de traiter des points qu’elle se refuse à mettre dans l’ordre du jour.

Pour aller plus loin, n’hésitez pas à consulter les guides suivants sur le site de SUD éducation, rubrique Guides Second degré :

  • Travailler et résister dans le second degré : guide à l’usage des personnels
  • DHG en collège et LGT
  • Budget d’un EPLE.

Références : toutes les questions relatives au CA sont réglées par les dispositions inscrites dans le code de l’éducation, de l’article R421-14 au R421-36.

Dialogue social ? A SUD, on ne négocie pas les reculs sociaux !

C’est semble-t-il un passage obligé . Dès qu’un·e ministre est nommé·e, elle ou il déclare à qui veut l’entendre que son ministère sera celui du “dialogue social”. Pourtant, au moment même où ces paroles sont prononcées, le ministère entame une nouvelle réforme visant à démanteler le service public d’éducation et à s’attaquer aux statuts de ses personnels.

Le “dialogue social”, d’où ça vient ?

En 1936, lors de l’arrivée au pouvoir du gouvernement de Front populaire, un mouvement de grève puissant démarre, pour obtenir immédiatement de nouveaux droits sociaux et la liberté syndicale. Rapidement, la grève se massifie et devient générale. Les usines sont occupées par les ouvriers et les ouvrières. En position de faiblesse, le patronat est contraint de négocier avec les représentant·e·s des salarié·e·s. Les accords de Matignon prévoient la baisse de la semaine de travail à 40 heures, les congés payés et des augmentations de salaires. Mais ils prévoient aussi la liberté syndicale, l’élection de délégué·e·s du personnel dans les entreprises, et les conventions collectives. C’est ainsi que prend forme ce qui sera plus tard appelé le “dialogue social”. Les salarié·e·s se dotent de représentant·e·s élu·e·s qui ont pour mandat de défendre les intérêts des travailleurs et travailleuses dans l’entreprise. Les organisations syndicales ont désormais la faculté de négocier des conventions collectives qui s’imposent au patronat dans tout un secteur d’activité.

Les travailleurs et travailleuses n’ont évidemment pas attendu les accords de Matignon pour se doter de représentant·e·s : lors d’une grève, elles et ils élisent depuis longtemps en assemblée générale leurs représentant·e·s. Mais désormais, cette représentation a un cadre légal plus protecteur. En mai 68, les accords de Grenelle consacreront également la section syndicale dans l’entreprise.

On observe néanmoins que les avancées sociales ont été arrachées à l’État et au patronat. Ceux-ci ont besoin de faire baisser le coût du travail pour augmenter leurs profits. Au contraire, les travailleuses et les travailleurs, avec leurs syndicats, doivent se mobiliser pour les contraindre à leur conférer de nouveaux droits ou pour récupérer une partie des richesses qu’elles et ils produisent. Les intérêts, d’une part de l’État et du patronat, et d’autre part, de ceux et celles qui produisent et participent au service public, s’opposent.  

Deux conceptions opposées du dialogue social

Il existe aujourd’hui deux conceptions du dialogue social. Le patronat et le gouvernement souhaitent faire croire qu’ils sont des “partenaires sociaux” des salarié·e·s représenté·e·s par des organisations syndicales “responsables”. De ce point de vue, le dialogue et le compromis seraient les maîtres-mots d’accords gagnant-gagnant. Certaines organisations syndicales s’inscrivent dans cette démarche : elles choisissent d’accompagner les réformes libérales. Il est donc dans leur intérêt de déclarer qu’en pratiquant un dialogue et la concertation avec le patronat et l’État, il est possible d’obtenir de nouveaux droits.

Pour SUD éducation et Solidaires, cette conception est au mieux naïve. Les travailleurs et travailleuses n’arrachent en effet de nouveaux droits à leur employeur que lorsqu’elles et ils sont en capacité de l’imposer par le rapport de force. C’est bien la capacité des salarié·e·s à se mobiliser qui pousse l’employeur à discuter et négocier. Dans le secteur de l’éducation, le ministre Blanquer est insensible aux arguments et aux alertes des représentant·e·s des personnels qui défendent le service public d’éducation. Il a néanmoins reculé sur certaines dispositions de la loi “pour l’école de la confiance” lorsque les personnels et les parents d’élèves se sont mobilisé·e·s. 

C’est bien dans cette perspective que SUD éducation participe aux discussions avec l’administration : il s’agit de porter les revendications des salarié·e·s, et de ne négocier que l’amélioration, pas les reculs.

Les instances de dialogue social

Il existe aujourd’hui de nombreuses instances dites de dialogue social à tous les niveaux de l’administration : le conseil d’administration et les conseils d’école en constituent à cet égard. Mais il existe aussi les commissions paritaires sur les questions de carrière, les comités techniques locaux ou ministériels, et d’autres instances telles que le conseil supérieur de l’Éducation (CSE). Le principe général de ces instances est toujours le même : il s’agit d’instances consultatives. L’administration les convoque à intervalle plus ou moins régulier sur la base d’un ordre du jour qu’elle a déterminé, et communique à cette occasion des informations. Les représentant·e·s du personnel y donnent leurs positions, et l’administration y donne la sienne.

Il ne faut pas s’y tromper : il est extrêmement rare que l’administration modifie sa position autrement qu’à la marge au cours de ces réunions. La loi ne contraint presque jamais l’administration à tenir compte de l’opposition ou des propositions syndicales.

Prenons l’exemple de la réforme du baccalauréat. En mars 2018, la plupart des organisations syndicales de l’éducation s’opposent à la réforme du bac et du lycée présentée au conseil supérieur de l’éducation. Malgré une large opposition, le ministre Blanquer mettra en œuvre son projet. En avril 2020, la suppression du BEP y est également majoritairement refusée, et les modalités d’organisation du chef-d’œuvre le sont un mois plus tard. Le ministre Blanquer poursuivra cependant son projet délétère pour les baccalauréats généraux, technologiques et professionnels.

Pour autant, SUD éducation participe à ces instances : il s’agit d’y porter la parole des personnels qui ont choisi d’élire des représentant·e·s SUD, et de relayer les mobilisations. Les élu·e·s SUD éducation y travaillent dans l’unité avec les organisations syndicales qui cherchent elles aussi à relayer les revendications des salarié·e·s, et veillent à diffuser les informations qu’elles et ils obtiennent, afin qu’elles permettent aux collègues de s’organiser sur leur lieu de travail.

Pour SUD, la véritable démocratie sociale n’est pas dans les instances, mais bien dans l’auto-organisation des travailleurs et travailleuses. SUD éducation se veut un outil syndical au service des personnels dans l’élaboration et la défense de leurs revendications.

 Démocratie directe ! Dans les syndicats et dans les mobilisations

Lorsque des syndicalistes créent les syndicats SUD à la fin des années 1980, l’aspiration à plus de démocratie syndicale est déjà là. SUD, c’est Solidaires, Unitaires et Démocratiques.

À l'origine du projet fondateur de SUD, il y a la volonté de créer une véritable alternative aux machines pyramidales que sont les grosses centrales syndicales de l’époque. Pour cela, les militant·e·s des SUD vont promouvoir des pratiques syndicales et de lutte qui font encore aujourd’hui des SUD-Solidaires des organisations “à part” dans le champ du syndicalisme : démocratie directe, rotation des tâches, contrôle des mandats…

Promouvoir la démocratie directe...

La conception de la démocratie à SUD éducation s’oppose à la démocratie représentative telle qu’on la connaît aujourd’hui en France. Dans la démocratie représentative, les citoyens délèguent leur pouvoir aux élu·e·s. Ces élu·e·s sont censé·e·s représenter la volonté générale, votent la loi et l’appliquent. Elles et ils n’obéissent pas à un mandat préétabli car les élu·e·s sont l’incarnation de la souveraineté nationale, nécessairement libre. La démocratie représentative montre néanmoins ses limites : les intérêts des élu·e·s ont tendance à primer sur ceux des électeur·trice·s, on observe des phénomènes de “pantouflage” ainsi qu’une homogénéisation des catégories socio-professionnelles des élu·e·s, tou·te·s issu·e·s des mêmes écoles.

Au contraire, SUD éducation promeut la démocratie directe : les adhérent·e·s décident directement. Ainsi, dans le syndicat SUD éducation, il n’y a pas d’élu·e·s, ce sont ses membres, les adhérent·e·s, qui exercent directement leur pouvoir de décision dans les assemblées générales.

… avec non pas des élu·e·s mais des mandaté·e·s

Réuni·e·s en assemblées générales à l’échelle locale, souvent départementale, les adhérent·e·s échangent et construisent des mandats que certain·e·s d’entre eux et elles devront porter. Ces adhérent·e·s mandaté·e·s peuvent bénéficier ou non d’une décharge de leur service dans l’Éducation nationale pour effectuer ces tâches. Si certaines tâches syndicales nécessitent un temps de décharge, celui-ci est toujours limité en quotité : jamais plus d’un mi-temps ; et en durée : jamais plus de huit ans consécutifs. Le syndicalisme, ce n’est pas un métier. Pour porter les revendications des personnels, il faut d’abord partager leur quotidien. Ensuite, on observe que ces règles permettent une rotation des mandats qui est bénéfique à la démocratie. Il faut à tout prix empêcher que les moyens syndicaux ne soient captés par une minorité de personnes qui pourraient en profiter pour améliorer leur quotidien. 

L’indépendance politique : un principe fondateur 

Les militant·e·s de SUD éducation se réfèrent à un texte vieux de plus d’un siècle et pourtant encore très actuel, la Charte d’Amiens, qui définit l’indépendance des organisations syndicales à l’égard du patronat et de l’État, mais aussi des groupes politiques ou religieux. Ce sont les adhérent·e·s qui décident des orientations du syndicat, et la démocratie syndicale ne saurait accepter l’intrusion de groupes qui lui sont extérieurs dans ses prises de décisions. Ainsi SUD éducation n’est affilié ni subordonné à aucun parti politique. 

Vers l’autogestion : c’est nous qui travaillons, c’est nous qui décidons ! 

L’autogestion est l’application de cette démocratie directe au monde du travail. On estime que les pratiques développées dans le syndicat : limitation des décharges, rotation des mandats, définition collective des mandats… pourraient s’appliquer dans tous les pans de la société et en particulier dans le monde du travail. Il n’est aujourd’hui pas acceptable qu’une poignée d’individus possède les outils de production des richesses et décide seule de l’avenir de notre planète et des conditions de vie et de travail de ses habitant·e·s. Ce système conduit à une catastrophe écologique chaque jour plus présente et à la destruction du lien social et des solidarités. Il faut construire un nouveau modèle autogestionnaire, dans lequel ceux et celles qui travaillent, dans les entreprises, dans les services publics, dans les associations… prennent part aux décisions. 

Pour des luttes qui appartiennent à celles et ceux qui se mobilisent

Le syndicat et les luttes collectives sont de véritables laboratoires pour de nouvelles pratiques démocratiques. Transformer la société et lutter contre les inégalités commence dès à présent dans la pratique syndicale. Le droit à l’information est un droit essentiel dans une société démocratique. C’est pourquoi lorsque SUD éducation siège dans les instances représentatives de l’Éducation nationale, ses équipes militantes diffusent publiquement les documents qui concernent le service public d’éducation. 

De même, ce sont les équipes militantes qui font vivre la démocratie sociale sur le lieu de travail en organisant des heures d’information syndicale et des assemblées générales. Les adhérent·e·s de SUD éducation y portent des outils de démocratie directe et d’auto-organisation permettant à tou·te·s celles et ceux qui le souhaitent de s’investir. 

Pour éviter par exemple que la parole ne soit monopolisée par les mêmes personnes, on peut mettre en place un tour de parole : plus besoin de jouer des coudes pour avoir le droit de parler, il suffit de s’inscrire. Pour éviter que seuls les hommes ne parlent, on peut mettre en place une double-liste, permettant d’alterner la prise de parole en fonction du genre ou de laisser parler les femmes en priorité. De même, on peut décider de la parité dans les mandats afin d’éviter que les femmes ne soient reléguées aux tâches de secrétariat par exemple. 

De même, la recherche du consensus est un impératif lorsqu’on aspire à plus de démocratie. Les décisions prises doivent convenir à tou·te·s, afin d’empêcher les coups de force et l’accaparement du pouvoir par quelques un·e·s. 

Enfin, lorsque naissent des mobilisations d’ampleur, on estime à SUD éducation qu’il faut dépasser le cadre habituel des intersyndicales en favorisant l’organisation soit d’assemblées générales locales avec les grévistes, soit, si la grève est très bien suivie, de coordinations départementales, académiques voire nationales de grévistes mandaté·e·s par leurs assemblées générales locales. La grève appartient à celles et ceux qui la font, syndiqué·e·s et non syndiqué·e·s.

(re)penser et (re)construire l'ESR !

Toute crise pose la question d’un horizon : l’organisation juste de la société. Esquissons la place que pourrait y occuper l’Enseignement Supérieur et la Recherche.

Fédérer et auto-gérer l’ESR : une université émancipatrice

Depuis l’Empire, l’ESR n’est unifié que formellement, comme une grande corporation hétéroclite douée d’un ministère propre. Ainsi, l’instauration en 1975 du collège unique dans le second degré, n’a pas d’équivalent dans l’enseignement supérieur. L’opposition entre grandes écoles, entraînant des classes préparatoires toujours plus compétitives, les institutions techniques ou technologiques, directement articulées à des marchés de production, et les universités, enfin, dont les filières générales se délabrent, devient féroce. La compétition entre équipes, laboratoires et instituts de recherche est tout aussi délétère. Les statuts et les situations différenciées, professionnelles et estudiantines, explosent : notre ESR est un système à plusieurs vitesses. Pourtant, une université entendue comme lieu de réflexion, de création, de diffusion et de transmission, d’épanouissement humain et scientifique, peut constituer un horizon unifié de l’ESR. Pour penser ce couple enseignement-recherche comme "forme sociale", il convient d'envisager l'émancipation comme sa finalité première. Cela impose d’en finir avec les intérêts économiques privés, les logiques de compétition, qui renforcent les inégalités, qui technocratisent et bureaucratisent les savoirs et les sciences. L’émancipation impose la réappropriation de l’ESR par toutes ses composantes intérieures (étudiant·e·s, enseignant·e·s, chercheur·e·s, personnels techniques et administratifs) et non par ses composantes hiérarchiques centralisées (ministère, conférences des président·es d’universités ou de grandes écoles, directions d’établissements et de composantes). Par ses dimensions collectives, participatives et démocratiques, l'autogestion des établissements au sein d'un réseau public d'universités et de laboratoires fédérés, avec instauration de statuts titulaires de la fonction publique, garantirait la diversité des approches, la production libre et indépendante des savoirs, ainsi que leur partage serein, sans concurrence ni précarité.

Démocratiser et ouvrir l’ESR

Nous souhaitons un service public de l'ESR accessible à toutes et à tous, ouvrant la diffusion des activités de recherche et d'enseignement. Cette conception de l’université comme lieu de connexion entre connaissances scientifiques et savoirs populaires ou encore entre créations scientifiques et artistiques, exige que les universités, écoles et laboratoires soient des lieux publics, accessibles gratuitement à toutes et tous. Cette ouverture dépend surtout du financement des études (bourses, logements), y compris pour les reprises d’études et la formation continue. Un maillage territorial, pensé sur le mode du réseau (permettant la circulation des usagers et des personnels), permettrait l’accueil des personnes les plus éloignées de l’outil universitaire, qu’elles le soient pour des raisons géographiques, sociales, économiques, ou d’accessibilité physique. Plus largement, il s’agit de repenser les pratiques de formation et de recherche pour élargir la participation (étudiant·e·s, personnels, « non spécialistes »), en construisant des savoirs et savoir-faire émancipateurs. Cette conception des savoirs comme biens communs va de pair avec des pratiques durables, sur des temporalités longues permettant des productions interdisciplinaires en lien avec les collectifs locaux, institutionnels (associations, collectivités, services publics) comme informels. Ce lien entre pratique académique et société doit se construire loin d’une posture uniquement centrée sur l’expertise, allant souvent avec une instrumentalisation politique de la recherche. Les interactions propres au travail d'enseignement et de recherche sont cruciales, et étrangères au « virage numérique » actuel. Cette reconfiguration des pratiques pose la question du métier et de son indépendance, aujourd’hui invalidée par la recherche de financement, la technocratisation du portage de projet, la précarisation des contrats, l'individualisation du travail et la démultiplication des tâches administratives.

Une autre société : l’université solidaire et anti-hiérarchique

Nous dénonçons tous les rapports hiérarchiques, d’oppressions et de domination. L’Université est un lieu de solidarité entre personnels de toutes catégories et étudiant·e·s, impliqué·e·s dans la co-création du savoir, en prise avec la société et le monde. Toute restructuration de l’ESR au nom de « l’excellence », « d’objectifs nationaux », de « prestige », de « classement », n’est donc qu’une gestion extérieure de notre outil collectif d’émancipation.

La titularisation de tous les personnels précaires et la garantie de moyens récurrents supplémentaires sont nécessaires. De même, le pluralisme local et l'autogestion dans la prise de décision, contre le pouvoir centralisé des directions ministérielles et d’établissement. De même, la suppression de toutes les évaluations et primes inscrites dans un « management » individualisé, porteur d’inégalités, de soumission et de rupture avec la collégialité de nos métiers. De même encore, l'arrêt de tout processus de sous-traitance (pour les agent·e·s d’entretien, etc.) et l'arrêt du pillage de l'argent public (CIR, partenariats public-privé). Les rapports enseigné·e·s/enseignant·e·s demandent aussi à être repensés pour éviter des formations où l'évaluation serait le principal objectif. Nous revendiquons une augmentation générale des revenus, la réduction des écarts de rémunération vers un salaire unique, ainsi que l'instauration d'un véritable salaire social étudiant pour toutes et tous, à tout moment de la vie. Prioritairement, celles et ceux qui se destinent à l’enseignement primaire et secondaire doivent être dotés d’un statut de fonctionnaire dès leur entrée en études, et d’une véritable formation universitaire continue sur toute leur vie.

Nous affirmons l’importance du respect des libertés académiques et, avec Marie Curie, la « reconnaissance du droit des savant·e·s », notamment le droit à disposer de moyens de travail nécessaires. Le partage des savoirs demande des débats empiriques et fondamentaux au-delà de la communauté académique, en en permettant l’accès à toutes et tous.